mercredi 30 mai 2012

Prometheus

Réalisé par Ridley Scott – Avec Noomi Rapace, Michael Fassbender, Charlize Theron, Idris Elba, Guy Pearce, Logan Marshall-Green – Etats-Unis – 2h03

Après la suite, après le prequel, voilà le faux prequel…
A une époque où les grosses productions consistent souvent à adapter paresseusement des BD, des séries télés puis à les décliner en d’interminables suites et « prequel », il faut au moins reconnaître à Ridley Scott une certaine audace.
Il eût été si simple de donner au public ce qu’il attendait : un prologue au premier Alien qui lui permettrait de réutiliser les vieilles recettes éprouvées.
Prometheus a une véritable ambition, celle de créer une nouvelle légende du cinéma de science fiction, digne du réalisateur d’Alien et de Blade Runner qui contribua à faire du cinéma de genre un cinéma d’auteur à part entière.

Prometheus n’assume son statut de prologue, qu’à la toute fin du film, pour l’essentiel, il s’agit d’élucider un mystère : l’identité du « space Jockey », ce géant que l’équipage du premier Alien retrouvait fossilisé et éventré.
Question essentielle pour Ridley Scott mais annexe pour le spectateur…
Le résultat final est assez décevant, on peut douter que l’aventure Prometheus accède également au rang de mythe de la science fiction.
Au-delà d’une réussite visuelle indéniable, le film est assez banal. Une équipe d’humains sur une planète hostile, une énigme qui se transforme en angoisse et le jeu de massacre qui commence.
C’est du vu et revu et pas seulement chez Scott lui-même.
L’audace dont le réalisateur a su faire preuve pour accoucher d’un projet inédit et non d’une énième déclinaison d’une franchise lui manque quand il faut donner à cette œuvre un soupçon d’originalité.
Dans ses meilleures séquences, le film est l’esquisse de ce qu’il aurait dû être : l’humanoïde veillant seul pendant des années sur le sommeil des humains, sa passion pour Lawrence d’Arabie de David Lean, la vision des extraterrestres « créateurs » devenus des dieux destructeurs sans compassion ni intérêt pour l’humanité.
Un zeste de pessimisme dans un genre devenant de plus en plus consensuel, une belle idée.
C’est la grande idée mal exploitée du film : les humains veulent comprendre, approcher l’éternité. Les extra terrestres sont d’insensibles dieux sanguinaires : l’anti-avatar.
Hélas, si Scott est moins niais que Cameron, il est aussi plus sage.
A l’exception des personnages interprétés par Noomi Rapace et Michael Fassbender, les autres ont bien du mal à exister. Charlize Théron a l’air de se demander ce qu’elle fait là.
L’intérêt réside vite dans les petits détails qui rappellent Alien : lumière sombre, les radars « pac man » où les êtres vivants sont signifiés par des points sur un écran (là encore une bonne idée peu exploitée, le curseur qui ne bouge pas, à l’inverse de celui mouvant du premier Alien).
Noomi Rapace devenant une Sigourney Weaver avant l’heure, on attend juste que le prequel s’assume comme tel, un comble !
Du film en lui-même on s’est vite désintéressé.
Forcément, il y a une maîtrise formelle assez impressionnante, la marque de Ridley Scott.
Mais le scénario si faible, si convenu ronge le film de l’intérieur…
A vouloir brasser trop de choses : la création de l’homme, les origines d’un mythe, un suspens sanglant, Scott semble esquisser son film.
Comme s’il avait oublié que c’est la simplicité du récit qui avait fait la force du premier Alien.
Comme s’il avait oublié les règles du cinéma de genre, tellement obnubilé par l’idée de réaliser un grand film.
Le résultat final ne rivalise pas avec Alien et certainement pas avec Solaris de Tarkovski.
Et de cette nouvelle saga qui s’annonce, ne subsiste pour le moment que les prémisses du chef d’œuvre de 1979.

Ironiquement Prometheus raconte bien l’histoire cruelle d’un créateur victime de sa création…

Jeremy Sibony

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