mercredi 9 mai 2012

Dark Shadows

Réalisé par Tim Burton – Avec Johnny Depp, Michelle Pfeiffer, Eva Green, Helena Bonham Carter, Bella Heatcote, Chloë Moretz – Etats Unis –1h53

Paradoxe : alors que Tim Burton fait l’unanimité auprès du public (« Alice au pays des merveilles » est son plus grand succès), comme du petit monde de la cinéphilie qui lui a fait l’honneur d’une rétrospective à la cinémathèque, on commence à s’inquiéter pour lui.

De quand date le dernier grand film de Burton : Sleepy Hollow ? Mars Attack ?
Depuis quelques années, alors qu’il possède une parfaite maîtrise de son art, ses films ressemblent à des œuvres de fans, ses propres fans.
L’univers riche et iconoclaste du réalisateur d’"Edward aux Mains d’argent" est devenu prévisible et mécanique.
Burton fait du Burton, avec efficacité mais sans audace.
Pas question de reprocher à un auteur de tracer son sillon, mais il se dégage de Dark Shadows un parfum de « déjà vu et en mieux » : on admire la direction artistique, le style baroco-gothique et le jeu de Johnny de Depp, mais il manque non pas le charme de la nouveauté, mais un contexte, un propos propre à ce film qui ferait la singularité de ce film.

Dark Shadows est pourtant l’adaptation d’une série télé des années 80, pas un scénario propre à Burton.
C’est bien le problème : Burton, s’empare d’un univers préexistant, ici les aventures de Barnabas, noble de Nouvelle-Angleterre devenu vampire par la jalousie d’une femme et se retrouvant dans les années 70 après des années d’emprisonnement dans sa tombe. Quand il ressurgit, il découvre sa descendance ruinée et s’efforcera de redonner à sa famille son lustre d’antan. Cette série inoffensive de seconde zone, le réalisateur d’Ed Wood l’adapte à sa sauce, la détourne pour en faire un produit Burtonien.
Comme pour Alice ou Sweeney Todd, Burton ne met plus en scène : il customise.
La série américaine ayant de lointains rapports avec l’œuvre du réalisateur (un monstre perdu dans une Amérique conventionnelle) est tunée comme une voiture…

Alors, oui, on mégote un peu : Dark Shadows est au-dessus des standards moyens des salles de cinéma : Johnny Depp fait du Johnny Depp, mais il le fait avec son talent : drôle ou inquiétant, si possible en même temps. La séquence d’ouverture et le générique de début donne le là d’un film bien mené par un excellent cinéaste.
Il n’y a aussi que Tim Burton pour nous rendre les humains ordinaires plus abjects et dangereux qu’un vampire sanguinaire…
Et le vampire héros, pour aussi sympathique qu’il soit, reste un assassin qui tue des innocents pour se nourrir.
Mais assez rapidement, le film n’a plus rien à nous montrer, il ronronne. Michelle Pfeiffer ou une surprenante Eva Green donne pourtant joliment la réplique à Depp, mais sans jamais vraiment ennuyer, le film nous échappe.
Autant se regarder un DVD d’un de ses films.

Burton radote, la surenchère d’effets visuels ne masque plus l’absence de propos : le film est une très belle coquille vide et malgré d’indéniable qualité Dark Shadows sera vite oublié.
Je sais bien le snobisme qu’il y a à regretter que l’on ait juste passé un bon moment, mais du réalisateur de « Batman Le défi » on attendait autre chose que ce bel objet froid.
Nous en venons à espérer un prochain film sans Johnny Depp, sans monstres se heurtant à une société conformiste, sans fausse misanthropie.
Tim Burton ressemble de plus en plus au gothique du lycée.
On en oublierait presque que « La planète des singes » est son seul film raté, n’importe qui rêverait d’avoir dans sa filmo les derniers films du cinéaste.
Tim Burton n’est pas n’importe qui.


Jeremy Sibony

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