mercredi 14 mars 2012

38 témoins

Réalisé par Lucas Belvaux – Avec Yvan Attal, Sophie Quinton, Nicole Garcia, Natacha Régnier, Patrick Descamps, Didier Sandre – 1H44- France

Le dernier film de Lucas Belvaux est une déception. Adapté du roman de Didier Decoin « Est-ce ainsi que les femmes meurent ? » « 38 témoins » est un film à thèse où le réalisateur se transforme en juge.
Le meurtre d’une femme, elle hurle, dans l’immeuble, les habitants font mine de ne pas entendre et la laissent se faire assassiner.
Sans avoir l’humour noir d’un Chabrol, Lucas Belvaux juge ses personnages et n’essaye pas vraiment d’explorer la lâcheté ordinaire, refusant de leur donner un personnage à défendre.
De ces témoins, seul Pierre (Yvan Attal) celui qui avoue sa lâcheté l’intéresse. Les autres traversent le film sans qu’on s’arrête trop sur leur cas.
Le film est lourdement significatif, le seul témoin qui éprouve des remords les récite à voix haute, les autres s’enferment dans leur mensonge sans que le film en fasse autre chose que des silhouettes.
Au cas où nous ne comprendrions pas l’acte d’accusation de Belvaux, des personnages viennent nous l’expliquer : un juge, une journaliste comme dans un mauvais Yves Boisset la parole est réservée aux bons et confisquée aux méchants.
Maladresse du scénario : les tourments du seul témoin incapable de vivre avec le poids de sa culpabilité, sont abordés à travers son rapport avec sa femme, absente le jour du meurtre et essayant de trouver le pardon.
Lui pardonnera-t-elle quand elle sera face à la réalité ?
Autant le dire tout de suite, on s’en fout : quand un meurtre sordide arrive et que l’omerta règne, les angoisses sur la pérennité d’un couple sont assez secondaires.
Les acteurs sauvent un peu l’ensemble : Nicole Garcia, Sophie Quinton arrivent à donner de l’épaisseur à des personnages stéréotypés.
Dommage également que le réalisateur ne se contente pas de filmer Yvan Attal, acteur brillant dont les silences et les regards suffisaient à faire ressentir avec finesse ce que les dialogues illustrent platement.
Belvaux retrouve parfois un peu de son talent : Il filme Le Havre comme une ville grise, étouffée par une chape de béton, comme victime du silence des témoins du meurtre. La scène de la reconstitution laisse entrevoir ce que le film aurait dû être : un regard humain sur la lâcheté ordinaire, sur l’insupportable capacité de l’homme à regarder ailleurs et se boucher les oreilles et sur la culpabilité qui ronge sans racheter la faute.
Le formidable Patrick Descamps arrive à faire de son personnage, en une séquence, le plus intéressant du film : c’est trop tard et trop peu.
Il aurait fallu un film moins bavard, une mise en scène plus subtile, bref un film dans la lignée de l’œuvre de Lucas Belvaux jusqu’ici.

Jeremy Sibony

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