mercredi 29 février 2012

Oslo, 31 août

Un film de Joachim Trier - Avec : Anders Danielsen Lie, Hans Olva Brenner, Ingrid Olava, Andreas Braaten- 1h36 - Norvege


Lorsque dans les années 80 Wim Wenders croyait encore qu’en changeant les images du monde nous pourrions changer le monde, ses anges des « Ailes du désir » portaient un regard bienveillant sur les pensées des humains qu’ils espionnaient…Nous entendions leurs monologues intérieurs, leurs désirs, regrets, espoirs…
Nous ne savons pas d’où viennent les voix que nous entendons au début de « Oslo 31 août ». Des habitants d’Oslo témoignent, tandis que des images d’archives défilent. Nous sentons la nostalgie, le regret, la perte de repères face aux bouleversements trop rapides, mais pas d’espoirs.
Le monde change, Oslo avec lui, laissant des regrets et des victimes : bienvenue dans les années 2000.

Anders, le jeune héros du dernier film de Joachim Trier est en permission pour la journée. Il n’est pas un jeune militaire comme pouvait en rencontrer l’héroïne de « Cléo de 5 à 7 » d’Agnès Varda dont le film semble si proche. Il est un drogué en cure de désyntox qui revient à Oslo pour passer un entretien d’embauche.
Anders erre dans les rues d’Oslo, cette errance où le héros ne peut que prendre dans la gueule ses espoirs évaporés, les amis ayant fondé une famille pour combler le vide de leur existence et parce qu’il faut bien faire comme tout le monde pour ne pas être largué, une ex à la dérive mais souriante, une jeune fille qui aura tout le temps elle aussi de voir ses illusions s'effondrer…
Le jeune homme traverse tout cela comme une ombre, incapable d'aimer, de communiquer aux autres son mal être, incapable de retrouver un bonheur quelconque dans une ville qu’il semble découvrir et où ses proches lui sont désormais totalement étrangers ; le passé loin de le rattacher à cet univers paraît juste lui rappeler sa jeunesse gâchée, perdue.
Ce "dernier jour avant liquidation", Joachim Trier le filme avec un mélange de sobriété et de distance qui fait que chaque scène semble s’évaporer plus que se clore. Nous ressentons presque l’atmosphère légère de la fin d’été, avec Anders, nous traversons la ville comme un nuage.
Au fur et à mesure que le film se déroule, la mise en scène tourne autour d’éléments de plus en plus abstraits : les nuages d’eau produite par un extincteur qui s’évapore au fil d’une promenade à vélo dans la nuit d’Oslo, une jeune fille qui se baigne, quelques notes de piano plus ou moins assurées…
Nous voyons peu à peu disparaître un jeune homme désynchronisé d’un monde qui lui-même semble s’effacer.
Après le prometteur "Nouvelle donne", Joachim Trier réussit à faire regretter le « Oslo d’avant » à des gens qui n’y ont jamais mis les pieds. Il s’impose comme un cinéaste de l’errance comme pouvait l’être Wim Wenders, l’espoir en moins mais paradoxalement, la légèreté en plus. Comme si la transformation des êtres en fantômes, à force d’être inéluctable, n’était plus une affaire si tragique.
Joachim Trier a ainsi l’élégance de ne pas afficher un pessimisme de festival, il se contente de laisser filer son film avec son héros. La noirceur du propos est enrobée de mélancolie qui fait d’Oslo 31 août l’acte de naissance d’un grand cinéaste.

Jérémy Sibony

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