mercredi 15 février 2012

La Dame de fer

Réalisé par Phyllida Lloyd - Avec Meryl Streep, Jim Broadbent,Phoebe Waller-Bridge, Alexandra Roach, Iain Glen - 1h43- Etats Unis


Which side are you on ?
Ceux qui auront vu le poignant documentaire de Ken Loach sur les grèves des mineurs anglais contre la politique Thatcherienne auront gardé ce titre en tête pendant toute la durée du film de Phyllida Lloyd.
Peut-on parler de la plus controversée des premiers ministres de l’après guerre sans s’attarder sérieusement sur sa politique et ses effets désastreux sur une partie de la population ?
Visiblement pour Phyllida Lloyd, ça ne pose aucun problème. Elle ne voit en Thatcher qu’une self made woman, ayant eu à lutter contre le machisme et ma misogynie, et visiblement, la lutte pour garder ses emplois entre dans le cadre de la misogynie.
Nous avons donc le portrait d’une pauvre vieille dame, luttant contre la maladie d’Alzheimer et se souvenant de son enfance de fille d’épicière ou de son accession au pouvoir.
Le spectateur est censé s’émouvoir pour cette vieille dame, qui livre son « dernier combat ».
On peut surtout se demander si les scénaristes et la réalisatrice du film ne sont pas eux atteints d’Alzheimer.
Il ne s’agit pas de regretter un brûlot partisan comme aurait pu le réaliser Ken Loach. Il est juste inacceptable de raconter le parcours d’une femme politique sans parler de politique.
Malgré le talent d’imitatrice de Meryl Streep, nous n'avons jamais l’impression de voir la vraie Margaret Thatcher en face de nous, mais plutôt l’image que s’en font quelques vieilles ladies conservatrices.
On touche même du doigt les limites d’un certain jeu « à l’américaine », où il s’agit d’avantage d’imiter que de jouer. Malgré tout son talent, Meryl Streep n’est jamais convaincante : la personne qu’elle est censée incarner n’a rien à voir avec une quelconque dame de fer.
Si c’est là le travail d’une actrice, alors le Patrick Sébastien du Grand Bluff aurait dû être oscarisé…
Devant la caméra de Phyllida Lloyd la performance de Streep ne rime à rien : c’est Thatcher sans le Thatchérisme.
Seule bonne idée du film : la convocation du « fantôme » de son mari, remarquablement interprété par Jim Broadbent. Mari mort, mais devenu l’ami imaginaire de Miss Maggie.
« La Dame de fer » est donc plus qu’un mauvais film : un film absolument lamentable.
Vision édulcorée d’une personnalité si controversée qu’une bonne partie de l’Angleterre, loin de plaindre la vieille femme malade attend sa mort avec une joie malsaine née de la colère et du désespoir.
Phyllida Lloyd n’a même pas pris le parti de « défendre » son héroïne. De filmer l’être humain derrière le dirigeant inflexible qui engagea ses troupes pour défendre les Malouines, la police pour soumettre les mineurs ou les dockers.
Ici, pas de débat, pas de remises en causes, pas de politique, pas d’idées, si ce n’est faire pleurer Margot sur le sort d’une personne âgée.
Quelques mois après « La conquête » qui de Sarkozy ne retenait que l’anecdotique, voilà encore une fois un rendez vous raté entre le cinéma et la politique.
Sans saveur, sans opinion, quel intérêt de sortir ce genre de film ? Comment peut-on se dire cinéaste et balayer 11 ans de crises, de luttes, d’affrontement dont une bonne partie du Royaume Uni subit encore les conséquences ?
Ceux qui voudront avoir une idée de ce que fut réellement la grande œuvre de Miss Maggie se précipiteront plutôt sur le magistral roman de David Peace : GB84 (éditions rivages)
Biopic hagiographie ou cinéma engagé, amnésie ou histoire, Lloyd ou Loach.
Which side are you on ?

Jérémy Sibony

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