mercredi 8 février 2012

La Taupe

Réalisé par Tomas Alfredson - Avec Gary Oldman, Benedict Cumberbatch, Mark Strong, Colin Firth, Toby Jones, Tom Hardy, John Hurt - 2h07 - Grande Bretagne

Adaptation du Roman de John Le Carré, « La Taupe » confirme le talent de Thomas Alfredson (« Morse ») pour les atmosphères atones, les silences angoissants et les personnages errant dans un monde violent.
« La Taupe » film une guerre froide menée par des fantômes, des âmes damnées dont le monde côtoie le nôtre sans le rejoindre.
Nos existences ne dépendent pas de courses poursuites, de fusillades et désamorçages de bombes in extremis, mais, sans que nous nous en doutions, de rencontres dans des parcs vides, de réunions dans des bureaux de bétons ou dans de modestes appartements aux papiers peints jaunis.
La guerre n’en est pas moins violente : on exécute froidement, la vie humaine n’y a pas plus d’importance que dans les conflits ouverts.
Paradoxalement, ce refus du spectaculaire donne au film une grande intensité. Chaque mouvement de caméra, comme chaque geste et expression des personnages semble mesuré. Décidant de la vie ou de la mort d’un être, le moindre détail capte notre attention, revêt son importance.
Ce sens du détail, ces décors froids dans lesquels des silhouettes évoluent comme dans des limbes font de « La Taupe » un film étouffant et oppressant.
Il faut remonter à « La vie des autres » pour se souvenir avoir eu l’impression de vivre dans ce monde paranoïaque ou chacun manipule et se méfie de l’autre.
Au centre de cette impressionnante partie d’échec visant à découvrir la taupe au cœur des services secrets anglais : Gary Oldman.
Silhouette hiératique, le regard fatigué, les fêlures apparentes, mais imperturbable. « Smiley » l’agent mit sur la touche, dont la vie privée a été la victime collatérale de la guerre entre services secrets, est sans doute un de ses plus beaux rôles.
Une leçon de sobriété et de subtilité dans l’interprétation… Oldman laisse à Smiley sa part de mystère : à la fois ombre et humain.
On regrettera peut-être le rôle sacrifié du toujours juste Colin Firth.
Comme tous les grands films de guerre, « La Taupe » s’intéresse aux hommes plus qu’aux nations. L’intrigue maligne et prenante du roman de John Le Carré peut évidemment passionner le spectateur, mais nous pouvons avoir l’impression d’un McGuffin, d’un « prétexte » permettant de raconter une guerre aussi impitoyable et sauvage que toutes les autres, mais se déroulant à l’insu du monde réel.
Si tant est que le monde réel est bien le nôtre et non celui, violent, impitoyable et glaçant dans lequel évoluent ces âmes damnées…


Jérémy Sibony

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