mercredi 22 février 2012

Cheval de Guerre

Réalisé par Steven Spielberg – Avec Jérémy Irvine, Peter Mullan, Emily Watson, David Thewlis, Tom Hiddleston, Benedict Cumberbacht, Niels Arestrup – 2h26 – Etats Unis

L’année même où Steven Spielberg a enfin été adoubé par la cinémathèque française et peut enfin prétendre au statut d’auteur (statut que n’importe qui d’à peu près sensé aura reconnu depuis un petit peu plus de 30 ans ), voilà donc ce « Cheval de Guerre », qui semble résumer l’œuvre de l’auteur.

Adaptation d’un livre pour enfant racontant l’amitié entre un cheval et un adolescent sur fond de première guerre mondiale, « Cheval de guerre » aura pour grand mérite de conforter les fans de Spielberg (dont l’auteur de ces lignes) et ses farouches opposants (dont des proches de l’auteur de ces lignes.
Les seconds s’affligeront de la culculterie du propos. Crin blanc dans les tranchées, comme si l’on voulait raconter l’attentat du rainbow warrior à travers Flipper le dauphin.
Les premiers, les plus avisés, retrouveront la fausse candeur d’un héritier de Franck Capra, ce talent indéniable de metteur en scène, qui lui permet de raconter avec simplicité une histoire toujours plus ambiguë.
Est-ce du à sa mine d’américain éternel adolescent, mais les détracteurs de Spielberg ont souvent tendance à oublier quelques détails concernant les bons sentiments hollywoodiens des films de Spielberg.
On se souviendra de l’empire du soleil, autre récit initiatique, d’un enfant (joué par Christian Bale pour ceux qui ont de la mémoire), déjà accusé de niaiserie par le tribunal du bon goût qui avait omis que le film se clôturait sur l’explosion de la bombe atomique d’Hiroshima.
Autre exemple, le happy end de la Guerre des mondes se déroule juste après un massacre de masse de terriens, faibles et impuissants, tout juste sauvés de l’éradication totale par…la nature…
Pratiquement chaque film de Spielberg est un mélange de bons sentiments apparents et d’une vraie perversité latente.
« Cheval de Guerre » n’échappe pas à la règle, on peut même regretter que le film affiche parfois si maladroitement cette dichotomie.
Passée l’interminable introduction, d’une niaiserie indéfendable reconnaissons-le, (mais après tout inspirée de « L’homme tranquille » de John Ford), le cheval est surtout un prétexte pour passer en revue les horreurs de la guerre et surtout, son absurdité.
Suivre le canasson permet surtout de visiter les deux camps, allemands et anglais, auxquels le cinéaste réserve le même traitement : on cherchera désespérément un vrai salaud d’un côté ou de l’autre des barbelés, on verra plutôt la peur du troufion de base, la boucherie qui l’attend plus sûrement que le cheval.

Ouvertement pacifique, refusant le cynisme bon marché qui séduirait à coup sûr une bonne partie de la critique. (Il y a aussi une forme de candeur à Libération, pour croire qu’un bon film doit nécessairement afficher la mine torturée de Louis Garrel pour être profond.)
Evidemment, on regrettera l’anthropomorphisme de l’animal. Il eût été préférable que Spielberg nous épargne les élans d’amitié, de sacrifice du canasson pour son copain canasson. Même s’il n’est pas innocent que le seul personnage héroïque du film soit un canasson.
Regrettable également le choix de Jeremy Irvine, le jeune propriétaire de l’animal, insupportable, tête à claque niaise dont on a du mal à croire qu’il puisse déjà sortir indemne de son village, alors des tranchées…
« Cheval de Guerre » fait donc côtoyer le meilleur (souvent) et le pire (parfois) de Steven Spielberg, jusque dans ces tics les plus agaçants.
Ainsi la rencontre d’une jeune française et de son grand-père, tout le monde s’exprimant en Anglais, cela devient ridicule quand ils sont censés ne pas pouvoir communiquer avec des allemands et des anglais, alors que nous les voyons s’exprimer dans la même langue. Il serait temps que Spielberg accepte de malmener le spectateur américain moyen jusqu’à lui faire lire des sous titres…
Ces réserves n’empêchent pas qu’une fois de plus Spielberg impressionne par l’inventivité et l’efficacité de la mise en scène. Du film, on ne retiendra pas le benêt souriant sur son cheval, mais un soldat appelant timidement à l’aide alors qu’il disparaît dans un nuage de gaz moutarde ou encore celle de chevaux franchissant la barrière de mitrailleuse « débarrassés » de leur cavaliers abattus comme au tir au pigeon…
Les « héros » disparaissent, brutalement, sans effets, sans que l’on s’attarde sur eux, victimes à peine tombées, à peines remplacées…

Il faut quand même avoir une drôle de mentalité pour continuer à ne voir en Spielberg que naïveté et candeur et ne retenir de ce film que le fait que le cheval s’en sorte ou non…
En prenant pour héros un cheval, Spielberg réalise un film bancal mais réussi, image d’une œuvre presque schizophrène qui semble de plus en plus hésiter entre les bons sentiments et une vraie misanthropie..


Jérémy Sibony

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