mercredi 30 janvier 2008

Cortex

Réalisé par : Nicolas BoukhriefAvec : André Dussollier, Marthe KellerFrance, 1H45---------------------------


De ce groupe de jeunes cinéastes ayant émergé dans les années 90 pour révolutionner (hem...) le cinéma français, Nicolas Boukhrief est sans doute le plus discret, mais pas le moins intéressant.
Ses films ne sont en général pas tout à fait à la hauteur de leur ambition, mais au moins sont-ils ambitieux. Il en est ainsi pour ce "Cortex" frappé du sceau Boukhrief frustrant mais recommandable.

Boukhrief, cinéphile éclectique a toujours aimé mélanger les genres, brouiller les pistes : longtemps après le générique final, on ne sait toujours pas si "Cortex" est un polar avec la maladie d'Alzheimer comme toile de fond, ou s'il s'agit d'un des rares films sur cette maladie qui prendrait comme prétexte un polar.Il est heureux pour les rares lecteurs de ces lignes que je ne puisse pas y répondre, ce serait vous dévoiler le film. Plus que l'intrigue, il faudra donc s'appuyer sur l'atmosphère trouble qui baigne "Cortex".
L'incertitude dans laquelle nous maintient le cinéaste rend d'autant plus insupportable la maladie de son personnage principal : André Dussolier, bouleversant et dangereux dans le rôle de ce flic (surnommé Cortex) à la retraite errant dans les limbes d'Alzheimer."Cortex" fait évoluer côte à côte son héros et les spectateurs dans le No man's land de l'intrigue : film sur alzheimer ? polar ? Jouant avec le spectateur des années 2000, c'est à dire celui qui se croit plus malin que le cinéaste depuis qu'il a vu "sixième sens" ou "Les autres".
Boukhrief, tant qu'il choisit de ne pas choisir, ne tend aucune perche au spectateur. Réduit comme Cortex à décoder ce qu'il croit être des indices de façon totalement aléatoire.Hormis dans le film de Sarah Polley "Loin d'elle", on n'a pas souvenir d'avoir vu si bien décrite la lente déchéance des malades d'Alzheimer. Dussolier semble lâcher prise avec la réalité, s'enfonçant dans l'oubli, la paranoïa, la solitude. Flic ne supportant pas de ne plus rien contrôler, d'être infantilisé et essayant de surnager. Le regard absent, cherchant à retrouver un fil, à s'accrocher : André Dussolier, sobre et précis, trouve un de ses grand rôles. On saura gré à Boukrief de nous avoir donné ce plaisir.Hélas, comme toujours chez ce réalisateur, le plaisir d'étaler son savoir faire visuel, la grande angoisse des cinéastes de cette génération là étant de "faire français", gâche un peu le plaisir.
Les plans, très beaux, sont si travaillés qu'ils semblent vouloir masquer les ficelles scénaristiques qui permettent à Boukrief de tenir la note. Le film tient quand onirisme et réalité sont maintenus à même distance. Trop soucieux de faire de l'image, Boukrhief en arrive à sacrifier l'un pour son seul plaisir visuel. On retrouve là ce qui agaçait dans cette génération de cinéastes nourris au clip : mise en scène et scénario semblent évoluer indépendamment l'un de l'autre. Comme si le réalisateur et le scénariste étaient deux personnes différentes. La schizophrénie du cinéaste aurait parfaitement pu servir leur film mais il aurait fallu plus de finesse, plus de subtilité : avoir le courage de "tenir la note", ce que fait Dussolier mais seul.
Les seconds rôles se veulent si mystérieux qu'ils en deviennent factices : sourires en coin, regards qui en disent long, phrases significatives : le scénario patine et perd son temps dès qu'il s'éloigne de Cortex.Boukhrief, n'a pas osé faire le film qui ne serait qu'une projection mentale de son héros. On sent bien que c'est ce qu'il désirait, mais il se croit obligé de choisir, de donner une direction précise à son film.
C'est regrettable : le monde ouaté et opaque qu'il mettait en scène se dévoile. Peu importe alors la fin choisie...

Jérémy Sibony

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