mercredi 11 avril 2012

Twixt

Réalisé par Francis Ford Coppola – Avec Val Kilmer, Bruce Dern, Elle Fanning, Ben Chaplin, Joanne Whalley, Alden Ehrenreich – Etats Unis – 1h29

A quand remonte le dernier grand film de Coppola ?
« Dracula » son conte baroque ? « Tucker » ce beau film sur le rêve américain injustement méprisé par le public et la critique ? Plus loin encore si l’on se souvient de ce que "grand film de Coppola" signifiait dans les années 70 (Le Parrain, Conversation Secrète ou Apocalypse Now.)
Twixt, son dernier drôle de film, n’est pas un grand Coppola. On n’est même pas sûr que cela soit un bon Coppola. Pire, si « Tetro » pouvait laisser entrevoir un futur retour au premier plan du réalisateur du Parrain, « Twixt » semble plutôt marquer un retour en arrière.
Mais bizarrement, on n’a pas envie de jeter le bébé avec l’eau rouge sang du bain. Il y a dans ce film assez d’éléments excitant la curiosité du cinéphile moyen pour que l’on se dise qu’une série Z de Coppola, c’est un peu plus qu’une série Z.
C’est à la limite de l’injustice et du traitement de faveur, mais de même que l’on cherchait rétrospectivement dans Dementia 13 (1963) les signes annonçant les chefs d’œuvres à venir, on regarde dans Twixt ce qui rappelle le Coppola d’avant.
Evidemment, le souci c’est que l’on retrouve surtout ses premiers films, produits par Roger Corman.
Twixt est une production à petit budget, entre thriller et gore et qui flirte délicieusement avec le cliché. Le début intrigue : un auteur raté essayant de fourguer lui-même ses romans horrifiques dans de sinistres petites villes américaines.
Le vieux shérif du coin est le seul à s’y intéresser, lui proposant de co-écrire un roman à partir d’un crime sanglant ayant eu lieu dans la ville.
C’est quand l’auteur (Val Kilmer, visiblement élevé au KFC), rêve d’Edgar Allan Poe que cela se complique et que le film vire au kitsch. Jeune fille assassinée pour sorcellerie, assassin rédempteur, bikers zombies et souvenir d’une enfant morte…
Tout cela se retrouvant dans le désordre le plus total dans les rêves du héros.
La mise en scène se veut à la hauteur du salmigondis gore qui sert de scénario : les rêves sont filmés dans un noir et blanc de clip des années 80, dans lequel coule généreusement un sang rouge ketchup.
Ce grand n’importe quoi orchestré par un réalisateur génial donne un résultat étrange, entre le giallo italien, le gore italien et les séquences rappelant le Coppola de Rusty James…
Convoquer Edgar Allan Poe, c’est peut-être aussi convoquer Roger Corman, grand admirateur de Poe et surtout adaptateur de ses nouvelles au cinéma.
Comme si également, il cherchait son avenir de cinéaste dans son passé. Invoquant le maître de la littérature fantastique (Coppola a une assez bonne opinion de lui pour voir en Poe un alter ego), il retrouve aussi celui qui a lancé sa carrière, à partir de production fauchée où il a appris son métier comme il semble maintenant apprendre à maîtriser les nouvelles technologies numériques, jusqu’à en abuser.
L’objet est informe, à la limite, parfois franchie, du ridicule et pourtant fascinant.
C’est au cœur de ce « machin » pas désagréable tellement tout y est outré que se niche une séquence surprenante, une scène qui semble justifier l’entreprise à elle seule. Même dérangeante pour qui connaît l’histoire personnelle du cinéaste.
La fille du héros meurt d’un accident de ski nautique…Exactement comme mourut le fils de Coppola.
L’irruption de ce drame dans un film réalisé avec ce que l’on pourrait prendre pour du j’m’en foutisme interpelle forcément.
Ce retour aux sources des années Corman auquel se mêle la tragédie personnelle de Coppola ne rend pas le film meilleur, mais il conforte le spectateur dans l’idée que oui, derrière l’extrême stylisation de l’image qui contraste avec le scénario de série Z, il y a quelque chose de bouleversant et que le réalisateur d’Apocalypse now nous prépare quelque chose.
Savoir quoi est un autre problème.

Alors oui, Twixt pose un problème : ce qui serait ridicule chez d’autres, serait kitsch ici. Réaliser un film de genre fauché serait donc un "retour aux sources" chez Coppola. Ce qui navre chez les uns amuse quand c’est un maître derrière la caméra.
Certes, mais le film fascine et amuse et surtout le maître en question y a mit une séquence, LA séquence, qu’il semblait éviter depuis 30 ans.
Tout cela n’est pas très objectif ?
Celui qui pense que la critique est objective n’a rien compris au cinéma.

Jeremy Sibony

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