mercredi 11 janvier 2012

J. Edgar

Réalisé par Clint Eastwood - Avec Léonardo DiCaprio, Armie Hammer, Naomi Watts, Judi Dench, Josh Lucas - 2h15 - Etats Unis

Salué comme l’un des derniers grands cinéastes classiques américains, Clint Eastwood étonne encore avec son faux biopic sur J.Edgar Hoover , créateur du FBI qu’il dirigea pendant 40 ans, ce qui lui permettait d’établir des dossiers sur tout le monde et particulièrement les présidents de son pays, ce qui faisait de lui l’homme le plus puissant et le plus redouté des états unis (à quand une bio de Pasqua et de son emprise démoniaque. sur les hauts de seine ?)

En apparence, tout était donc réuni pour une de ces biographies filmées dont Hollywood a fait un genre à part entière : avec ses flash-back, ses scénarii plus hagiographiques que biographiques, ses maquillages vieillissant un jeune acteur et sa psychanalyse bon marché (enfance difficile, trauma de jeunesse….
Mais cinéaste classique ne veut pas dire prévisible : sans non plus chercher à bouleverser le genre, Eastwood reprend ses codes pour les travestir avec une véritable audace.
Le film surprend d'abord par son refus de la reconstitution spectaculaire. Au contraire, le cinéaste ose un récit intimiste, quasi-huis clos, mélangeant les époques, bavard et laissant de coté des pans entiers des faits et méfaits de Hoover.
Pour un cinéaste que l’on pense installer, Eastwood livre son film le plus surprenant visuellement. L’utilisation incessante du Flash-back, d’une séquence à l’autre sans repère pour le spectateur, déstabilise d’abord, avant que se noue un tissu de relation entre réalité et mensonge, passé et présent, tout se brouillant comme dans l’esprit perturbé de Hoover que
Eastwood illustre insidieusement. La « part d’ombre » de son héros se matérialise ainsi par un éclairage minimal.
Mais plus que sur la forme, c’est sur le regard que l’on attendait avec curiosité le film du réalisateur d’ »Invictus »
Il est intéressant que ce personnage pour le moins controversé soit porté à l’écran par l’un des rares cinéastes républicains déclarés.
S’il était difficile d’imaginer une hagiographie du bonhomme, on attend forcément autre chose du grand Clint autre chose qu’un jeu de massacre….
Eastwood ne cherche pourtant pas à édulcorer le personnage d’Hoover, créateur et patron du FBI pendant un demi-siècle. Possédant des dossiers sur tout et tout le monde, vivant dans une haine viscérale des communistes, mythomane avéré et patriote au limite du fanatisme.
Etrange récit qui fait de la vie d’un des personnages les singuliers de l’histoire américaine un condensé des angoisses et thèmes Eastwoodien.
Hoover vit ainsi dans la peur de vieillir (matérialisé ici par le maquillage outré du bras droit vieillissant d’Hoover, presque un masque mortuaire), peur de voir disparaître son âge d'or et être soudainement dépassé, peur de la solitude : des angoisses qui ne sont pas propres à un directeur du FBI mais qui le rende proche du spectateur sans jamais lui être sympathique
Cette juste distance est favorisée par le jeu enfiévré de Léonardo DiCaprio qui n’imite pas Hoover, ne cherche ni à le sauver, ni à l’enfoncer mais explore ses failles : homosexuel refoulé, vivant sous le regard de sa mère presque comme le Norman Bates de « Psychose », coupé du monde qu’il prétend dominer. Plus que la puissance ou la haine, c’est la douleur que fait ressortir Di Caprio …
Tout comme les légendes de l’Ouest d’Impitoyable n’étaient en fait que de vulgaires assassins, le « diable » qui fit régner sa loi sur la plus grande puissance du monde était un petit homme pathétiquement humain : la légende est un mensonge, grand thème Eastwoodien
La question de savoir si l’inspecteur Harry est un auteur ne se pose heureusement plus, mais on est impressionné par la façon dont il a travestit le genre pour tirer à lui le biopic attendue :
Comme dans « Mémoire de nos pères » des évènements filmés comme des faits dans un premier temps, seront contredits par la suite.
Ce Hoover est ambigu comme pouvait l'être le GI raciste et réac de Gran Torino, son réalisateur étant décidément plus convaincant dans la description des salauds et dans l'ambiguïté que dans les bons sentiments (Invictus, Au-delà).

Jérémy Sibony

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