jeudi 2 octobre 2008

Le Premier venu

Réalisé par : Jacques DoillonAvec : Clémentine Beaugrand, Gérald ThomassinFrance, 2H- France-

"Quand on perd son chemin, on commence à trouver sa voie". C'est avec ce genre de phrases débiles de gourou pour ados que commence, mal, "Le Premier Venu" dernier film de Jacques Doillon, qui, comme les précédents, flirtent dangereusement avec la philosophie facile de son café du commerce libertaire.

Il a été décidé que ce qu'on ne pardonnerait pas à Claude Lelouch : situations forcées ponctuées de sentences définitives serait célébré chez Jacques Doillon, depuis qu'il a réalisé "l'An 01", bible du carré magique "Cahierlibéilemondeetlesinrocks".
Sauf que "L'An 01", utopie déprimante reste son meilleur film, et que le début du "Premier Venu" alterne entre le niais et le dégueulasse.
Une jeune fille s'est faite violée par ce premier venu qu'elle a fait venir chez elle sans trop savoir pourquoi. Elle le suit jusqu'à chez lui sous le charme de ce mauvais garçon (les filles veulent le changer, les hommes lui ressembler: c'est Fonzie).Elle va s'efforcer d'aimer ce "Premier Venu": car "si c'est un pauvre type, moi je suis une pauvre fille." Et il faut bien du talent à la débutante Clémentine Beaugrand pour que cette autre répartie Lelouchienne ne provoque pas le fou rire.Claude Lelouch au dialogue, Michel Zevacco au scénario, ça part assez mal.Doillon, utopiste, va donc s'acharner à enfoncer une grosse porte ouverte. Non les mauvais garçons ne sont pas totalement mauvais, oui, il y a à l'intérieur un coeur qui bat.La logique "Crousti bat/Capitaine igloo": pané dehors et poisson tendre dedans, grand classique du cinéma de Jacques Doillon qui prend des grands airs de philosophes utopistes pour dire ce que même le dernier des Sarkozyens savait déjà.
Cinéaste inoffensif qui se rêve subversif, Doillon achève le spectateur par une critique du Bescherelle... Si, si, cette saloperie de langue française petite bourgeoise, qui fait qu'on passe du verbe être, au verbe se méfier, juste avant aimer... (renseignements pris, c'est vrai)Vous vous rendez compte : se méfier avant aimer.Putain de société...Heureusement, Doillon prend un chemin de traverse, et tend vers le marivaudage sous fond de kidnapping ou de racket. Il y est bien plus à l'aise. Interprété par Gerald Thomassin, le héros du "Petit Criminel", dont "Le Premier Venu" pourrait être la suite, le voyou est plus ridicule que menaçant.
La jeune fille tire evidemment les ficelles, en incluant dans le jeu un jeune flic amoureux d'elle, Guillaume Saurrel, qui semble aussi peu fait pour la police que Thomassin pour le crime. Doillon est définitivement plus à l'aise dans ces jeux de l'amour. Ce petit criminel est aussi paumé que l'autre. Il n'est clairement pas fait pour le crime.
Le film se clôt de façon légère et positive, tout ceci n'était qu'un jeu, une utopie d'un monde romantique où l'autre ne serait plus une menace ou un objet de compassion, mais un être à découvrir.Les acteurs sont suffisamment bons, comme souvent chez Doillon, pour qu'on ait envie de les suivre.

La deuxième partie du film réussirait presque à sauver l'ensemble si on n'avait pas eu droit à la lourdeur de la pensée Doillonienne infligée dans ses dialogues et son point de départ avec un sérieux qui contraste avec le ton du film.
Surtout, le film aurait été défendable, si la facilité avec lequel Doillon évoque le viol comme une simple péripétie sentimentale ne disqualifiait pas le reste du propos.

Jérémy Sibony

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