mercredi 6 février 2008

Le Bannissement

Réalisé par : Andrei Zviaguintsev Avec : Konstantin Lavronenko, Maria BonnevieRussie, 2H30Titre Original : (Izgnanie)


Tarkovski, forcément..
Andreï Zviagintsev, attendu au tournant depuis son premier film Lion d'or à Venise (le Retour), ne cherche même pas à s'en défendre. Les premières images d'une voiture roulant dans une ville inconnue rappellent Solaris. Le film met donc 20 bonnes minutes à se défaire de l'ombre Tarkovskienne.
Enfin, on dit Tarkovski parce qu'on n'y connaît pas grand chose à cette fameuse "âme russe" : Dostoïevski bien sûr, Tolstoï aussi : les limites de la critique, si un russe a la bonne idée de lire ces lignes...Toujours est-il que c'est à l'arrivée dans leur retraite de campagne (Tchekhov ? Sauf que non, ça ne marche pas à tous les coups), que le film commence. Que fuit cette famille ? Pourquoi quitter la ville et aller chercher un travail ailleurs : on ne le saura jamais, et c'est très bien comme ça.
On pourrait penser à une planque en attendant la fin du monde (Le Sacrifice ? Tarkovski on vous a dit). Mais les signes sont là : la maison est au pied d'une très jolie colline, mais c'est raté pour le remake de "La petite maison dans la prairie", vu que la maison est aussi au bord d'un ravin que traverse un fragile pont de bois. C'est une des très bonnes idées : on approche du gouffre lorsque la femme annonce qu'elle est enceinte et que le mari n'est pas le père. Zviagintsev emballe alors son film : le calme apparent fait redouter le pire, comme la silhouette tout à la fois rassurante et menaçante du mari, interprété très physiquement par Konstantin Lavronenko (prix d'interprétation à Cannes, jeu très intérieur, ce qui rend d'autant plus touchantes et effrayantes ses réactions). Le film cesse vite de se reposer sur sa beauté formelle indéniable, mais qui aurait pu virer au BMC (beau mais chiant) si le récit ne se faisait pas plus intense.
La deuxième partie du film bouleverse. On oublie un peu Tarkovski au profit d'Andreï Zviagintsev et on sort du film ému, en se croyant incroyablement intelligent et incroyablement cinéphile pour ne pas s'être emmerdé et avoir été marqué par la dernière scène, lourde de symbole sûrement, mais surtout poignante, derniers instants de répit avant la catastrophe.

Jérémy Sibony

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